Un territoire fait de contrastes
Direction la Loire et ses châteaux, les immenses cultures céréalières et les fromages de chèvres, terre de Rabelais et Balzac. Comme toutes les régions françaises, l’immense superficie de l’échelle régionale de la Région Centre-Val de Loire permet difficilement d’avoir une unité culturelle, linguistique ou économique.1
À grands traits, la partie Nord est un immense espace de culture céréalière, avec une attraction économique de la région parisienne importante, dont quelques villes deviennent la grande banlieue de la capitale. Le fleuve royal structure géographiquement l’espace, de Gien à Tours en passant par Orléans et Blois. Les châteaux de Chambord, Chenonceau ou Azay-le-Rideau font partie des incontournables de l’étape. Aujourd’hui encore la Loire traverse les principaux espaces urbains de cette région française.
Au sud, les départements de l’Indre et du Cher restent essentiellement dominés par la dynamique agricole, avec néanmoins les capitales départementales de Châteauroux et Bourges.
Pour illustrer cette région et continuer ma mise à niveau sur Datawrapper, et plus globalement sur la datavisualisation, je me suis basé sur le jeu de données présentant à l’échelle communale les taux de taxe foncière sur les propriétés bâties.
Présentation de la donnée
Ce jeu de données est disponible sur le site Open Data du ministère de l’Économie, des Finances et de l’Industrie. Celui-ci est d’ailleurs bien pratique, car il utilise le logiciel d’Open Data Soft qui facilite la visualisation et le filtrage des données avant l’exportation2.
Côté visualisation, il faut ici saluer l’effort de pédagogie et la qualité des fichiers de Bercy3 avec un outil extrêmement performant pour connaître les différentes bases fiscales locales.
Et donc voici le résultat que j’obtiens après quelques manipulations :
Les couleurs, c'est juste pour faire jolie ?
Sur cette datavisualisation, j'ai travaillé sur la base de l'article de Lisa Charlotte Muth How to choose an interpolation for your color scale, qui fait partie d'une série plus large sur les choix graphiques des visualisations : When to use classed and when to use unclassed color scales, Which color scale to use when visualizing data, When to use quantitative and when to use qualitative color scales et When to use sequential and when to use diverging color scales.
Qui trop embrasse mal étreint, j'ai pour l'instant mis de côté toute la recherche possible sur les différentes couleurs, pour me concentrer vraiment sur l'interpolation dans le cadre de l'élaboration d'une carte choroplèthe4.
La base : une carte n'est pas la réalité5. Elle relève d'un ou plusieurs choix et a un objectif. Il n'est pas possible de travailler correctement sans une direction et une réponse claire : quel est le message que je souhaite délivrer ?
La contrainte : il est nécessaire de trouver un équilibre entre la perception, la qualité de la communication et l'honnêteté. Car oui, la communication publique demande une éthique ou une morale, je vous laisse choisir entre les deux.
Dans Datawrapper, et plus globalement, sur l'ensemble des logiciels cartographiques, vous avez le choix entre deux grands types d'interpolation :
- par étapes
- continue
Et selon le choix, la représentation ne va pas être identique, donc le message sera différent. Démonstration.
Cette représentation permet de visualiser facilement la partie plus urbaine du territoire, organisée autour des axes de circulation, mais le soucis c'est que l'intervalle qui va de 30,64% à 43,47% concentre 90% des communes, donc écrase les nuances.
La représentation par quantiles va mieux faire ressortir les disparités de la partie sud de la Région, mais va surestimer la partie urbaine. On a ici l'impression qu'il n'y a pas de rupture entre Orléans et Blois, ce qui n'est pas vraiment réaliste au regard des données.
L'utilisation des valeurs arrondies s'approche le plus de la distribution des taux, telle qu'il est possible de la représenter dans le tableur.
Cette représentation correspond à mon choix. C'est celle qui permet à mon sens de comprendre très vite la structuration de l'habitat en Région Centre-Val de Loire.
Je vous montre à titre d'exemple les autres possibilités avec une interpolation continu, avec un séquençage par quartiles, quintiles, déciles et naturel.
Les différences restent assez légères et volontairement je n'ai pas utilisé la personnalisation, permettant sur DataWrapper d'affiner le résultat graphique pour ne pas multiplier à l'infini les exemples.
Ce qu'il faut retenir, c'est qu'il n'est pas possible de faire un choix sans avoir réalisé au préalable un travail sur la répartition des données dans un tableur. C'est souvent ça qui va déterminer le choix, notamment la présence de valeurs aberrantes et le choix de justement faire ressortir ces dernières ou plutôt de mettre en valeur l'homogénéité territoriale.
- La réforme voulue par le Président François Hollande, entrée en vigueur en 2016, s'inscrit dans un mouvement législatif quasi continu depuis 1981 et les lois Deferre, acte 1 de la décentralisation. Néanmoins la loi du 16 janvier 2015 devait être une étape dans le souhait politique d'une simplification des différentes strates administratives. L'importante contestation politique et citoyenne, l'absence de consultation et de concertation n'ont pas permis par la suite au gouvernement Valls de poursuivre la décentralisation. De fait, sans remise en cause de l'échelon départementale, intercommunal et municipale, l'échelle géographique reste difficilement compréhensible au regard de l'histoire française. Le document de la Cour des Comptes, en date de mars 2023, "La décentralisation 40 ans après : un élan à retrouver" permet de mieux comprendre les enjeux et les limites des politiques de décentralisation, qui n'est finalement que l'opposition depuis plus de deux siècles entre Jacobins et Girondins. Depuis 2016, les régions métropolitaines sont 14 au lieu de 22 auparavant. ↩︎
- Ce qui évite d'avoir à télécharger parfois des paquets de 2 Go alors qu'après filtrage dans le tableur le fichier en .csv ne pèse qu'une dizaine de Mo. ↩︎
- Car oui, franchement, il y a encore beaucoup trop de données mal structurées ou avec des erreurs, le biais le plus important étant l'absence de mise à jour. ↩︎
- Du grec khṓra (« lieu ») et plêthos (« un grand nombre »). La première carte de ce type date de 1826, c'est une invention du français Charles Dupin. ↩︎
- J'aime beaucoup cette réflexion de François Cassingena-Trévedy dans son livre Cantique de l'infinistère : "C'est à vrai dire un grand ouvrage qu'une carte, plus passionnante qu'un roman pour qui sait la lire, avec tout l'avantage que possède la réalité sur la fiction. Au demeurant, la carte n'est-elle pas elle-même, à bien des égards, une fiction ?" page 27, DDB 2016 ↩︎